Une coalition de leaders de la société civile et d’avocats d’intérêt public congolais exprime de fortes réserves quant au prétendu « accord de paix » actuellement négocié entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda, sous la direction de l’administration Trump des États-Unis. Dans une « Déclaration de préoccupations », la Coalition avertit que les négociations actuelles constituent une crise existentielle pour la RDC, où sa souveraineté sur ses frontières, ses territoires, ses ressources, son économie et son armée est compromise par le Rwanda et les États-Unis.

Voir la Déclaration de préoccupations  ici.

La coalition de 79 organisations non gouvernementales et d’avocats d’intérêt public congolais, appelée Mobilisation pour la Sauvegarde de la Souveraineté et de l’Autonomie Congolaise (MOSSAC), se compose principalement d’organisations basées dans les capitales provinciales de Goma et Bukavu, actuellement sous occupation du Rwanda et de ses mandataires, le M23 et l’AFC.

Contexte
Les extrémistes armés de la milice M23 et du mouvement AFC sont les successeurs des milices qui sèment le chaos dans l’est de la RDC depuis 2003. Au cours du premier trimestre 2025, grâce à l’aide financière, logistique et opérationnelle du Rwanda, ils ont considérablement intensifié les massacres et les déplacements dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. L’armée rwandaise et ses supplétifs du M23 ont occupé les capitales provinciales de Goma et Bukavu, dans l’est de la RDC, tuant entre 2 900 et 9 500 personnes seulement lors de la prise de Goma. Plusieurs trêves et cessez-le-feu annoncés ont tous été violés par le M23 et l’AFC quelques jours après leur déclaration. L’Alliance du fleuve Congo (AFC), une alliance politique qui comprend le M23, a annoncé en janvier son intention de prendre le contrôle de Kinshasa, la capitale du pays, déclarant plus récemment (le 18 mai) : « La guerre n’est pas terminée, car nous n’avons pas encore atteint l’objectif. »

Tout en présentant un récit de la nécessité de se protéger de la discrimination contre le peuple tutsi, le M23 et ses soutiens rwandais ont plutôt conquis les centres miniers congolais de Rubaya, Masisi et Walikale au nord jusqu’à Mwenga, Minembwe et d’autres au sud. Citant des rapports du Groupe d’experts sur la RDC du Conseil de sécurité des Nations Unies, une carte présentée dans The Africa Report montre qu’une quarantaine de sites miniers étaient déjà sous le contrôle du M23 en 2023 ; de nombreux autres ont été repris depuis. Une fois que le M23 prend le contrôle d’une mine, il prélève une « taxe » sur tous les minéraux extraits. Le minerai de ces mines est ensuite transporté illégalement au Rwanda, où il est traité et vendu sur le marché mondial comme un produit rwandais. Cette guerre d’exploitation nous concerne tous, car de nombreuses entreprises privées et armées nationales dépendent de ces minéraux essentiels pour leur technologie.

Trump présente un « accord minerais contre sécurité » pour les intérêts américains
Début avril de cette année, Massad Boulos, conseiller principal pour l’Afrique nommé par le président américain Donald Trump, a rencontré des responsables rwandais et congolais pour proposer un « accord minerais contre sécurité », similaire à celui proposé par Trump à l’Ukraine quelques semaines plus tôt. Fin avril, une « Déclaration de principes » a été signée à Washington DC par le Rwanda et la RDC, énonçant les objectifs d’un accord complet visant à remplacer les combats par une relation commerciale entre les trois pays. Selon M. Boulos, « Notre mission est de promouvoir les intérêts des États-Unis et notre vision du partenariat international ».

Un accord commercial imposé sous la menace des armes
Selon la Déclaration de préoccupations de la coalition MOSSAC, l’actuelle « Déclaration de principes » est « un pacte d’intérêts commerciaux, d’influence et d’exploitation, déguisé en diplomatie en vue d’un accord de paix. Il s’agit d’un accord économique, sécuritaire et géopolitique, soigneusement rédigé au détriment de la souveraineté congolaise ». La Déclaration poursuit : « la RDC ne doit pas être contrainte de choisir entre la poursuite de la guerre et de l’occupation, d’une part, et un accord commercial défavorable à son peuple, d’autre part. »

La coalition MOSSAC soulève cinq préoccupations principales concernant les négociations en cours, à savoir :

  1. L’Accord négocié doit définir des exigences et des mécanismes de suivi claires qui mettront fin à la violence, au conflit et à l’occupation. Toutefois, ces points ne sont pas encore clarifiés dans les documents ou les discussions.
  2. L’Accord négocié doit fournir des directives claires pour mettre fin à l’impunité et garantir la justice. Cependant, les documents et les discussions jusqu’à présent ont complètement ignoré les considérations de responsabilité et de justice.
  3. L’Accord négocié doit être élaboré à la suite d’un processus démocratique légitime qui donne la priorité à la souveraineté et aux intérêts du peuple congolais. En fait, l’accord est élaboré de manière descendante, sous la direction d’un pays étranger (les États-Unis) pour protéger ses propres intérêts et ceux de son partenaire commercial et géopolitique, le Rwanda.
  4. L’accord négocié doit restaurer la souveraineté et l’intangibilité de la RDC sur son territoire, ses frontière, ses ressources et ses relations économiques. Pourtant, la confiscation des terres et des ressources congolaises fait partie intégrante de « l’accord commercial » proposé.
  5. L’Accord négocié doit protéger la souveraineté de la RDC sur son armée. Il semble plutôt que le Rwanda aura un rôle à jouer dans la surveillance militaire de l’est de la RDC, et que des milices mandatées par le Rwanda pourraient être intégrées à l’armée congolaise.

Une crise existentielle pour la République démocratique du Congo
La déclaration de préoccupations de la coalition MOSSAC conclut que les résultats probables de ces négociations « finiront par affaiblir la souveraineté de la RDC sur ses propres terres, ressources, gouvernance, économie et armée ». De plus, elle affirme que l’accord commercial probable « fournira un cadre pour légitimer les accaparements illicites de ressources et de pouvoir actuellement en cours par le Rwanda, le M23, l’AFC et leurs autres alliés, y compris les puissances occidentales qui convoitent les minerais de la RDC et soutiennent financièrement le Rwanda. ».

Selon la coalition MOSSAC, « Il s’agit d’une crise existentielle pour la RDC, et il faut y répondre comme telle ».

 

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