Du 12 au 14 novembre 2021, au moins sept villages batwa ont été réduits en cendres dans le parc national de Kahuzi Biega, dont une école construite par les Batwa eux-mêmes. Selon des informations sur le terrain, deux enfants ont été brûlés vifs, une femme enceinte et son enfant à naître ont été tués, deux autres femmes batwa grièvement blessées par balles, un homme (Safari Kalimbiro Bunjali) tué et très probablement d’autres. Les écogardes du parc auraient menacé de tuer les chefs traditionnels batwa et bloqué les pistes vers et depuis les villages attaqués. Les gestionnaires du Parc ont alterné entre tout nier et défendre leurs actions. Il n’y a eu aucune couverture médiatique de cet événement. Nous n’avons toujours pas été en mesure de mener une enquête approfondie.

 

Mais ce n’était pas un incident isolé. Le 23 juillet, une attaque similaire a été lancée par les écogardes de Kahuzi Biega avec l’armée congolaise, incendiant trois villages batwa et tuant deux hommes batwa : Lwabosho Ngunda et Amos (Moïse) Mulimbanya. Les gestionnaires du parc prétendent tenter de chasser les milices hutu du parc et de mettre un terme à leurs opérations illégales d’exploitation minière et d’abattage d’arbres. Pourtant, à chaque fois, les indigènes Batwa – les premiers habitants de ces terres – sont visés.

 

Fin octobre, RIFE (le réseau régional IfE en RDC, au Rwanda et au Burundi) a publié un rapport préliminaire sur les meurtres, les incendies de villages, les arrestations arbitraires et autres violations des droits commises par le personnel du parc national de Kahuzi Biega qui ont été signalés au cours des 5 dernières années. Lisez le rapport ici : Rapport – ce qui se passe dans le parc – Déc 2021  Le rapport d’octobre, mis à jour en décembre 2021, énumère les éléments suivants :

  • 29 personnes tuées par des écogardes et/ou des militaires (dont deux enfants brûlés vifs) ; noter que l’armée et les écogardes travaillent ensemble dans des frappes conjointes sur les Batwa
  • 16 individus batwa blessés ou menacés de mort (pourchassés avec des armes, etc.)
  • 12 villages incendiés (certains villages ont été incendiés plus d’une fois)
  • un grand nombre de personnes déplacées (des centaines de familles), certaines d’entre elles à plusieurs reprises
  • 17 personnes ont subi des arrestations arbitraires et des détentions en prison ; 14 ont été libérés plus tard lorsque des avocats sont intervenus, 2 sont décédés des mauvaises conditions de détention, un reste en prison sur ce qui est largement considéré comme de fausses accusations
  • 6 menaces graves par des responsables congolais contre des ONG défendant les droits des Batwa 

 

En raison des voies irrégulières par lesquelles bon nombre de ces rapports nous sont parvenus, nous pensons que cette liste est probablement une grave sous-estimation. Il y a un besoin urgent d’une surveillance méthodique et de rapports d’incidents sur le terrain, et d’enquêtes approfondies sur chacun des incidents. Cependant, cela sera difficile compte tenu du manque de volonté politique des autorités, de l’éloignement des zones, de l’état impraticable de la plupart des routes et du danger d’entrer dans ces zones.

 

Pendant ce temps, ces attaques en cours ont conduit des centaines de personnes extrêmement pauvres et marginalisées à l’itinérance ; beaucoup dorment dehors sans accès à un abri, des couvertures chaudes, de la nourriture, des soins de santé ou une scolarité, ou une protection contre les attaques. Des gens meurent de ces mauvaises conditions. Les agences humanitaires n’ont pas répondu à nos appels à l’aide.

 

Il s’agit d’une crise des droits humains à laquelle il faut remédier de toute urgence.

 

 

Photo : Christian Nakulire, 17 ans, a été tué par les écogardes du parc en août 2017 alors qu’il ramassait des plantes médicinales pour soigner la dysenterie ; son père a été grièvement blessé mais a survécu.

 

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